Tribune : une vision des étudiants en médecine en stage par une "pédagogue de terrain"

  • Information publiée le

Marie-Pierre DOUCHET (MPD) est cardiologue, praticien hospitalier au CHU de Strasbourg et enseignante dans différents diplômes, dont le master de pédagogie en sciences de la santé. Se présentant volontiers comme une "pédagogue de terrain", elle nous livre son point de vue sur les étudiants qu'elle accueille depuis plusieurs années dans son service, et formule des propositions visant à améliorer la supervision des étudiants en stage. Morceaux choisis.

  • MPD : Vous ne pouvez pas aller faire une observation ?
  • Les trois étudiants se lèvent ensemble.
  • MPD : En fait, je veux dire, trois observations, de trois malades.
  • Jean : Non, on la fait ensemble, c’est pour cela qu’on est venu en stage ensemble, c’est plus fun.
  • MPD : C’est bizarre, aucun antécédent médical à 84 ans
  • Paul : Ben oui, il n‘est jamais venu aux HUS [Hôpitaux universitaires de Strasbourg]
  • MPD : Mais tu l’as interrogé pour lui demander ses antécédents ?
  • Paul : Ah bon ? Ça compte ?
  • Julie : Cette fac, c’est super nul, j’ai eu 17 au module de [censuré]
  • MPD : C’est plutôt bien ?
  • Julie : Oui, mais j’ai tué deux patients. Vous vous rendez compte ?
  • MPD : C’est plutôt mal. Tu as revu la question en détail pour ne pas le tuer quand ce sera le vrai ?
  • Julie : Ben, non. J’ai été validée. C’est la faute de la fac.
  • MP : Qu’est-ce qu’il y a dans le cœur s’il éjecte 60 % de ce qu’il contient... 40 % d’air ?
  • Julie (6e année, fin de stage) : ben …………………………. oui ?
  • MP : Et alors, il envoie un petit coup, d’abord à gauche, et puis après à droite, chacun son tour ?
  • Julie : ben… oui
  • Jean : Vous vous foutez de nous, non ? [il a un doute]
  • MP : Tu peux me dessiner la grande et la petite circulation ?
  • Julie : [elle n’y arrive pas]
  • MP : Vous avez l’intention d’ouvrir un livre de cardiologie avant le dernier jour de stage ?
  • Jean : non, on fera cela avant les ECN [nb : dans 3 mois], quand on en sera à réviser la cardiologie.

Actuellement, je suis désolée de constater que je n’irai me faire soigner le cœur léger que chez très peu des étudiants que j’ai vus ces trois dernières années. La réforme LMD, la réforme des stages et le passage au tout QCM préparent de drôles de médecins, eux-même souvent désabusés par leur formation. Ce ne sont pas forcément eux qui sont en cause, mais le système qui a été mis en place, et il me paraît urgent d’y réfléchir.  

La suite, c'est par ici

Marie-Pierre DOUCHET

Consulter la liste des actualités