Janvier

*|MC:SUBJECT|*


 Editorial  Bonne résolution 


La période étant propice à une telle démarche, il nous a semblé utile, dans cette lettre d'information du CFRPS désormais lue tous les mois par plus de 500 personnes, de formuler quelques bonnes résolutions. Mais comme chacun d'entre nous en a fait l'expérience, plus il y en a, moins elles seront tenues.

Nous nous contenterons donc de ne souhaiter qu'une chose, en lien avec les articles présentés ce mois-ci par Racha ONAISI et Mathieu LORENZO (voir plus bas) : que les nombreuses réformes des études de santé soient pour chacun d'entre nous l'occasion de se pencher sur ses pratiques de formation et d'évaluation, en se posant la question suivante : est-ce que ma façon de faire est conforme aux règles de bonnes pratiques pédagogiques, issues des données de la littérature scientifique ?

La question pourrait paraître incongrue, lorsqu'elle s'adresse à des professionnels de santé dont personne - en premier lieu les patients - ne pourrait aujourd'hui imaginer que leurs pratiques de soins s'éloignent des recommandations scientifiques. Pourtant, force est de constater que nous formons souvent comme nous soignions il y a un demi-siècle, en dehors de toute logique pédagogique et rationalité scientifique. Les étudiants se montrent d'ailleurs étonnamment compréhensifs, voire complices de la situation. 

Pour tenir notre résolution, il faut d'abord comprendre ce qui n'allait pas jusqu'au 31 décembre 2019 et qui nous a empêchés de changer. De nombreux facteurs peuvent être évoqués. Nous en retiendrons trois.

En premier lieu, chacun a un avis personnel et généralement très tranché sur l'éducation. Qui n'a jamais assisté à une réunion de parents d'élèves, une sortie entre amis ou un repas de famille, où les participants s'invectivaient à coup de "C'est n'importe quoi cette réforme !", "Ce prof est vraiment nul et ne sait pas faire cours, on se demande bien ce qu'il fait là !", ou encore "C'est scandaleux de poser des questions pareilles à un examen !" Les mécontents avaient-ils raison ? Probablement pas. Pour une raison simple : leur jugement relève quasiment toujours de constats empiriques, construits au gré de leurs expériences pédagogiques. Il s'agit là du deuxième facteur que nous souhaitions exposer. L'essentiel de nos expériences pédagogiques correspond à notre vécu en tant qu'élève, puis étudiant. Dès lors que nous avons été soumis à un modèle d'enseignement pendant plus de 20 ans, il est compréhensible que lorsque nous endossons la fonction de formateur ou d'enseignant, nous reproduisions ce modèle à l'identique. Modèle qui ne doit d'ailleurs pas si mal marcher puisque nous en sommes arrivés là ! Nous voici rendus au dernier facteur, probablement le principal obstacle au changement, au regard de notre fonctionnement cognitif : pourquoi diable ferions nous l'effort de changer notre façon de faire, alors que personne n'en ressent véritablement le besoin ? Ni les étudiants (quoi de plus confortable que d'être assis au fond d'un amphithéâtre ou d'une salle de cours, de noter ce que dit l'enseignant ou le formateur, et de le restituer en cochant les cases d'un QCM...), ni les enseignants (quoi de plus confortable que de réciter son cours ou de demander à un stagiaire de nous regarder faire et de reproduire ce qu'il observe...), ni l'institution (quoi de plus économique que le paradigme d'enseignement, que nous venons de décrire...), ni même les politiques (quoi de plus parlant que nos excellents indicateurs de santé qui prouvent que... l'accès aux soins est en France extraordinaire et bénéficie à tout le monde). Et ce ne sont pas quelques pédagogues, parfois pénibles, souvent incompréhensibles et toujours idéalistes, qui vont nous empêcher de tourner en rond.

Maintenant que nous avons identifié les (fortes) résistances au changement, le moment est venu de prendre conscience que, malgré ces difficultés, quelque chose ne va pas. Nous nous contenterons pour cela de citer deux chiffres. Près d'un étudiant sur six termine sa formation (et terminera sa carrière) en ayant des difficultés pour résoudre les tâches cliniques (difficultés de raisonnement clinique). Rappelons que la résolution de tâches est l'activité principale du soignant et qu'il y consacre l'essentiel de ses journées. Deuxième chiffre : selon les spécialités, jusqu'à un diagnostic sur six posé par un médecin est erroné (et il n'y a pas vraiment de raison pour que ce chiffre soit différent dans les autres professions de santé). Ces chiffres sont-ils acceptables ? Si l'on se place dans une perspective de responsabilité sociale des facultés et des écoles de santé, en adoptant notamment le point de vue du patient, la réponse s'impose d'elle-même. 

Une bonne résolution est souvent l'idéalisation d'une vie fantasmée, ce qui explique qu'elle soit abandonnée dès lors qu'elle se confronte aux premières réalités du quotidien. Libre à chacun de transformer celle à laquelle nous appelons dans cet éditorial en un attribut de notre professionnalisme et de notre identité de formateur ou d'enseignant, dont au final, tout le monde bénéficiera ;  à la fois les étudiants (qui apprendront mieux et de façon plus engagée), les enseignants (qui s’ennuieront moins et enseigneront comme ils soignent, retrouvant ainsi une cohérence utile à leur bien-être psychique), l'institution (qui remplira sa mission première de responsabilité sociale) et les politiques (qui pourront enfin communiquer sur l'excellence de notre système de formation des professionnels de la santé).

Publication


 

Le raisonnement clinique des médecins urgentistes : une revue de la littérature scientifique

 

Le CFRPS cosigne avec des chercheurs en éducation médicale belges, canadiens et suisses, dans les Annals of Emergency Medicine, une revue de la littérature visant à dresser un état des lieux des connaissances relatives au raisonnement clinique et à la prise de décisions par les médecins qui travaillent dans les services d'urgence.

Extrait (traduit en français)

Objectif de l'étude : Le raisonnement clinique est considéré comme une compétence centrale chez les médecins. Il y a pourtant très peu de travaux de recherche sur ce thème en médecine d'urgence, comme le montrent les données de la littérature.

Méthode : Nous avons procédé à une scoping review afin de dresser un état des lieux de la recherche sur le raisonnement clinique dans cette spécialité. Notre équipe, composée d'experts de contenu et d'experts en méthodologie des revues de la littérature a identifié 3763 articles dans les bases de données scientifiques, dont 95 ont été inclus.

Résultats : La plupart des études ont été publiées après 2000. Peu d'études ont porté sur les processus cognitifs impliqués dans la prise de décision (c'est-à-dire le raisonnement clinique). Parmi celles-ci, plusieurs ont confirmé les données retrouvées dans la littérature générale sur le raisonnement clinique ; il s'agit en particulier du rôle des processus intuitifs et analytiques. Nous avons catégorisé les facteurs qui in?uencent la prise de décision en facteurs contextuels, liés aux patients et liés aux médecins. De nombreuses études ont porté sur les décisions relatives aux examens complémentaires et à l'hospitalisation ou non des patients. La prescription d'examens complémentaires est influencée par l'expérience des médecins, la crainte des litiges et des préoccupations relatives aux fautes professionnelles. La crainte des litiges et des fautes professionnelles augmente également la propension des médecins à hospitaliser les patients. Le contexte influence le raisonnement, mais les résultats relatifs à des facteurs spécifiques tels que le flux de patients et la charge de travail étaient divergents.

Conclusion : De nombreuses études ont utilisé des méthodes descriptives ou corrélationnelles, ce qui en limite la portée. Il existe encore de nombreuses zones d'ombres, en raison de la rareté des études ou des résultats contradictoires. Les résultats de ce travail devraient nous encourager à intensifier la recherche dans le champ du raisonnement clinique des médecins urgentistes, notamment sur les processus cognitifs et les facteurs qui les influencent, en utilisant des cadres théoriques appropriés et des méthodes plus robustes. 


L'article est accessible sur le site de la revue ou par mail

Publication


 

Un ancien étudiant du master PSS publie son article "Apprentissage mobile et e-santé"

 

Abdelkader LAHMAR, étudiant de la promotion 2017/2018 du master de pédagogie en sciences de la santé, vient de publier son travail de recherche dans la revue Distances et Médiations des Savoirs. Félicitations à Abdelakader et bonne continuation !

Résumé

Nombreux sont les projets d’applications mobiles en santé orientés surtout vers la prévention. Les actions de prévention en santé reposent essentiellement sur des projets d’éducation. Pourtant, rares sont les recherches ou les démarches de conceptions d’outils numériques qui incluent une prise en compte des enjeux pédagogiques. Nous nous intéressons ici au potentiel de l’apprentissage mobile dans le conseil en santé du voyageur. En particulier, nous menons une réflexion afin de donner des pistes pour mieux savoir comment prendre en compte les enjeux pédagogiques au cours du processus de conception d’une application mobile de conseil en santé du voyageur.

Pour y répondre, nous avons adopté une approche qualitative en menant des focus groups auprès de voyageurs et pédagogues.

Les résultats obtenus retrouvent des éléments connus, notamment l’importance de la perception de la valeur de la tâche, souvent faible chez les voyageurs. Ils permettent aussi d’avoir un point de vue novateur et des conseils pratiques sur les modalités de prise en compte des enjeux pédagogiques, tout en donnant une perspective d’inclusion de cette démarche éducative dans le processus de conception d’applications mobiles à visée éducative.


L'article est accessible gratuitement sur le site de la revue

Lu pour vous



Tous les mois, les enseignants du CFRPS sélectionnent des articles récemment publiés dans le domaine de l'éducation des sciences de la santé et vous en offrent un résumé.


Gérer les tensions : de l’innovation à son application dans les formations en santé


Managing the tension: From innovation to application in health professions education

Tekian et al (2019), Medical Teacher
Article téléchargeable ici

 par Racha ONAISI

À l’heure où les réformes des cursus en santé semblent s’enchaîner les unes après les autres, ces dernières sont parfois (souvent ?) accueillies avec circonspection, voire méfiance. « Nous avons été formés de telle ou telle manière et ça a marché, nous ne sommes pas de mauvais professionnels. Pourquoi changer une recette séculaire ? ».

Pourtant, 5 à 15% des étudiants en médecine présentent des difficultés de raisonnement clinique. Nous pouvons nous accorder sur le fait qu'il s'agit là d'un problème non négligeable. Les formations en santé doivent en outre faire face à d’autres défis, de types et de niveaux de difficulté variés, parmi lesquels la gestion d’effectifs croissants d’étudiants, des chiffres inquiétants concernant les troubles psychosociaux parmi les étudiants, ou encore des évolutions permanentes du monde de la santé et de la société qui nécessitent une adaptation tout aussi permanente de la formation.

Or, comme le rappellent Tekian et son équipe, les innovations sont primordiales pour résoudre les problèmes. Elles peuvent concerner le curriculum, les méthodes pédagogiques mises en œuvre, les pratiques évaluatives, les processus d’accréditation des facultés, ou encore le développement professionnel des formateurs.

Pourtant, leur mise en œuvre sur le terrain est rarement un long fleuve tranquille. Tekian et ses collègues proposent dans leur article des pistes pour faire face aux éventuelles tensions qui peuvent être rencontrées, selon le domaine concerné par les innovations. Certaines propositions vous paraîtront probablement relever du bon sens. Pour autant, il n’est pas inutile de les rappeler et de les garder en tête : implication de l’ensemble des acteurs concernés, discussions répétées, transparence, prise en compte du contexte spécifique et de l’environnement (notamment des ressources humaines et matérielles disponibles), tout comme de l’efficience (rapport investissement/résultats attendus).
 
D’autres, et non des moindres, viennent peut-être moins spontanément à l’esprit. Ainsi, Tekian et al. rappellent l’importance, pour toute innovation (notamment lorsqu'elle concerne les pratiques d’enseignement et d’évaluation), de s'appuyer sur des cadres conceptuels clairs et sur les données de la littérature scientifique. Tout comme la médecine a évolué de l’empirisme vers l’EBM (Evidence-Based Medicine ou médecine basée sur les preuves), l’éducation médicale doit prendre le virage de la Best Evidence Medical Education (BEME). « Pourquoi changer une recette
 séculaire ? » : pour résoudre les problèmes éducationnels comme on résout les problèmes médicaux, en se posant les bonnes questions et en se basant sur les meilleures preuves à disposition, pardi !
 
En respectant ce principe et à l’aide des pistes proposées dans cet article, il devrait être possible de faire progresser la formation des étudiants en santé (et donc, de mieux répondre à la responsabilité sociale des facultés) de façon rigoureusement réfléchie et, surtout, plus sereine.
 


L'éducation médicale produit-elle de meilleurs médecins ?


Yes, but does medical education produce better doctors?

Schuwirth et Van der Vleuten (2019), Education for Primary Care
Article téléchargeable ici
 
 par Mathieu LORENZO

L’éducation médicale produit-elle de meilleurs médecins ? Cette question fait l'objet d'une discussion dans un récent article de la revue Education for Primary Care. Les auteurs soulèvent six difficultés pour y répondre. Voici les trois principales :
  • Qu’est-ce qu’un « bon » médecin ? La notion de « bon » est changeante selon les évolutions sociétales. Comment évaluer si un médecin est « bon » ? Un « bon » médecin produira de « bons » soins, mais ces soins seront le plus souvent le résultat d’un travail d’équipe (comprenant le patient) et il sera bien difficile d’y individualiser la part liée au seul médecin.
  • Le développement professionnel continu revêt une importance considérable du fait du raccourcissement de la durée de validité des connaissances en médecine. Un examen de fin de cursus n’est donc plus satisfaisant comme indicateur de formation d'un "bon" médecin. Dans l'impact produit par un dispositif de formation, il faudrait s'assurer que les futurs médecins auront développé les attributs du professionnalisme qui leur permettront d'identifier leurs besoins de formation et de continuer à se former tout au long de leur carrière. 
  • La volonté, issue de la recherche clinique, de généraliser des résultats obtenus auprès d'une population à une autre population est critiquable en éducation médicale. Si une stratégie éducative fonctionne dans une population donnée, d’une certaine culture et dans un certain contexte, elle ne va pas forcement s'appliquer à une autre population, en raison de la non-linéarité des liens entre les variables en jeu dans les situations éducatives et du nombre très élevé de variables, pour beaucoup non contrôlables, qui sont impliquées et qui diffèrent grandement d'un contexte et d'une culture à d'autres.
Le message principal de cet article est que démontrer la supériorité, pour les patients ou pour la société, d’une intervention en éducation médicale est extrêmement complexe. La formation des médecins est fondamentalement multifactorielle. De nombreuses études associant des méthodologies variées et réalisées dans des contextes divers seront nécessaires pour démontrer l’impact de l’éducation médicale sur la qualité de la formation des professionnels de santé.
Prochaine pause pédagogique
L'article

Effets d'un programme multimodal comprenant une simulation sur la tension au travail chez les infirmiers travaillant dans les unités de soins intensifs

Effects of a Multimodal Program Including Simulation on Job Strain Among Nurses Working in Intensive Care Units


Publié en 2018 par EL KHAMALI et al.
dans le JAMA 
Rendez-vous
le


14 janvier 2020
de
12 h 30 à 13 h 30

en salle du conseil de la
faculté de médecine de Strasbourg
Les animateurs



Raphaël GABLE, Angélique GOUSSET et Romain MOREAU sont respectivement cadre formateur à Haguenau, cadre formateur à Troyes et infirmier à Paris
Et si la formation pouvait améliorer la qualité de vie au travail des professionnels de santé ?

Cette pause pédagogique est une rencontre entre un programme de formation multimodal et la classification de Kirkpatrick, le tout agrémenté d’une touche chocolatée…

Le modèle de Kirkpatrick, publié en 1959, est probablement le modèle le plus connu d’analyse et d’évaluation d’une formation. Notre propos, lors de cette pause pédagogique, s’appuiera essentiellement sur l’application de ce modèle à la simulation en santé, plus particulièrement dans son quatrième niveau, c'est-à-dire les effets d'une formation sur les résultats dans le milieu professionnel. 

La simulation est un outil pédagogique largement utilisé pour former les étudiants et les professionnels de santé. Une étude française, publiée en 2018 dans le JAMA, traite des effets d’un programme multimodal de simulation sur 198 infirmiers d’unité de soins intensifs sur le plan de leur niveau de stress, de l’absentéisme et du turn-over, ainsi que sur les retombées économiques.

Au cours de cette pause pédagogique, nous présenterons cette étude et détaillerons les résultats en lien avec le niveau 4 du modèle de Kirkpatrick.
Archives et prochaines dates
Retrouvez ici les thèmes des précédentes pauses pédagogiques ainsi que les publications associées (vidéo, copie du diaporama, synthèse des points clés et articles).

Les prochaines pauses pédagogiques auront lieu les 11 février 2020, 17 mars 2020, 28 avril 2020, 19 mai 2020 et le 16 juin 2020

Babillard



 
Publication

Un nouveau numéro de la revue La nouvelle revue. Éducation et société inclusives vient de paraître. Intitulé "Le numérique par et pour l’éducation inclusive", il est accessible ici.


On en parle
 
  • A partir de la rentrée 2020, la PACES, première année commune aux études de Santé, est supprimée. Mais les étudiants qui suivent le cursus cette année conservent le droit à une seconde chance en cas d'échec. L'article, publié dans L'Etudiantest accessible ici
  • Un algorithme de Google serait capable de dépister les cancers du sein plus efficacement que les médecins. L'article, publié sur le site l'Usine digitale, est accessible ici
  • Les robots d'intubation arriveront un jour, pour aider les novices ou... intuber seuls. L'article, publié sur le site PulmCCM, est accessible ici
  • Parcoursup : la réforme de l'accès aux études de santé donne la migraine aux doyens et présidents d'université. L'article, publié dans Le Quotidien du Médecin, est accessible ici
Suivez-nous sur Twitter
Share
Tweet
Forward
Copyright © *|CURRENT_YEAR|* *|LIST:COMPANY|*, All rights reserved.
*|IFNOT:ARCHIVE_PAGE|* *|LIST:DESCRIPTION|*

*|HTML:LIST_ADDRESS_HTML|* *|END:IF|*

se désinscrire    actualiser ses données d'inscription 

*|IF:REWARDS|* *|HTML:REWARDS|* *|END:IF|*