Le CFPRS cosigne dans Le Monde une tribune à propos de l'enseignement à distance
Malgré les règles de sécurité sanitaire mises en place au sein des universités et l'avis de la Conférence des présidents d'université, le deuxième confinement s'est accompagné d'un nouveau basculement au tout distanciel. Si cette modalité est indispensable dans des contextes où enseignants et étudiants ne peuvent être accueillis dans des conditions acceptables de sécurité, de nombreuses voix s'élèvent afin de ne pas en faire un modèle d'avenir dans l'enseignement supérieur. Dans une tribune publiée dans Le Monde, des enseignants-chercheurs et directeurs de centres de pédagogie médicale mettent en garde sur les risques à promouvoir et à vouloir pérenniser le tout distanciel.
Extrait
Au cours des derniers mois, les acteurs de l’enseignement supérieur ont été confrontés à la nécessité de déployer, dans l’urgence et, souvent, avec une grande impréparation, la formation à distance (FAD). Il est trop tôt pour appréhender toutes les conséquences de cette conversion forcée. Il nous semble cependant utile d’interroger dès à présent ce qui justifierait, aujourd’hui plus qu’hier, le fait de pérenniser, voire de généraliser cette modalité d’enseignement, tel que le souhaiteraient certains décideurs.
Contrairement à d’autres outils qui ont marqué la formation universitaire, la FAD ne s’est pas invitée comme une modalité novatrice, susceptible d’améliorer les pratiques professionnelles. Elle s’est imposée avec une grande brutalité, à l’occasion d’une situation sanitaire exceptionnelle, comme un substitut à l’enseignement présentiel, alors même que l’immense majorité des enseignants et des étudiants n’avaient auparavant ni la volonté, ni les besoins, ni les moyens de l’utiliser. Or, sur le plan pédagogique, aucune théorie de la cognition ne permet de soutenir que la FAD soit associée à une quelconque valeur ajoutée par rapport à la formation présentielle. Il est de surcroît largement documenté que la FAD génère plus d’abandons et d’échecs.
Publication d'un nouvel ouvrage sur l'évaluation des compétences, co-coordonné par une enseignante du master PSS
Anne DEMEESTER, maître de conférences à l'INSPE de Marseille, spécialiste de l'approche par compétences et enseignante dans le master de pédagogie en sciences de la santé, co-signe avec Bernard DE GIORGI et Yannick GOUCHAN un ouvrage sur l'évaluation des compétences.
Résumé de l'ouvrage
À l’heure où une large dynamique de transformation pédagogique s’engage dans l’enseignement supérieur en cohérence avec les attendus du monde socio-professionnel, la question de l’évaluation des connaissances et des compétences est plus que jamais d’actualité. Pourquoi et comment modifier nos pratiques d’évaluation ? Cet ouvrage, coordonné par trois enseignants-chercheurs d’Aix-Marseille université, est susceptible d’intéresser un large public de praticiens évaluateurs : enseignants-chercheurs, enseignants et cadres du secteur public. La première partie est centrée sur l’évaluation dans l’apprentissage des langues, la seconde partie s’articule autour de l’évaluation des compétences. Le lecteur pourra comprendre les nouveaux enjeux de l’évaluation et découvrir des pratiques diverses, intimement liées aux contextes dans lesquels elles sont développées. L’ouvrage n’a pas la prétention de délivrer des recettes miracles, mais bien celle de développer chez le lecteur une approche critique de ses propres pratiques au regard d’une pluralité de situations tant académiques que professionnelles.
Un ancien étudiant du master PSS publie son travail sur le burnout dans BMC Medical Education
Jean-Rodolphe MACKANGA, étudiant de la promotion 2018/2019 du master de pédagogie en sciences de la santé, vient de publier le travail de recherche qu'il a réalisé pendant son master dans la revue BMC Medical Education. Toutes nos félicitations à l'auteur !
Résumé(traduit en français)
Contexte : L'épuisement professionnel en milieu hospitalier est un problème qui affecte les soins et la formation. Souvent exploré dans les pays à hauts revenus, le burnout est peu étudié dans les pays à faibles et moyens revenus, caractérisés par une situation hospitalière précaire et un enjeu important lié à des objectifs de développement. Le but de notre étude était de déterminer, chez les médecins et dans le contexte sanitaire d'un pays d'Afrique subsaharienne, le niveau de burnout et les facteurs associés.
Méthode : Nous avons réalisé une étude prospective transversale en utilisant un questionnaire autoadministré à échelle de Likert, adressé à des médecins et des doctorants au Gabon. L'échelle de burnout de Maslach a été choisie. Les symptômes de l'épuisement professionnel ont été définis par un niveau élevé dans au moins une des trois dimensions. L'épuisement professionnel grave a été défini par un niveau élevé dans toutes les dimensions. Nous avons exploré des facteurs associés socio-démographiques et psychométriques. Une régression logistique multivariée a été effectuée.
Résultats : Parmi les 104 participants, le burnout sévère prévalait à 1,9% (IC 95% : 0,2-6,8) et les symptômes de burnout à 34,6% (IC 95% : 25,6-44,6). Les facteurs associés aux symptômes de burnout étaient l'âge (OR=0,86, p=0,004), l'activité clinique dans un centre hospitalier universitaire (OR=5,19, p=0,006), les difficultés d'accès à l'hôpital (OR=0,59, p=0,012), le nombre de personnes âgées dépendantes vivant chez le praticien (OR=0,54, p=0,012), le lieu de résidence (même arrondissement où se trouve l'hôpital : OR=4,09, p=0,039) et le fait d'être favorable à la médecine traditionnelle (OR=1,82, p=0,087).
Conclusion : Au Gabon, pays à revenus intermédiaires, près d'un praticien sur deux présente des symptômes d'épuisement professionnel. Le jeune âge, le centre hospitalier universitaire, la difficulté d'accéder à l'hôpital et de vivre dans l'arrondissement où se trouve l'hôpital augmentent la probabilité de symptômes d'épuisement. Ces résultats doivent interpeller les autorités compétentes en matière de santé et d'éducation médicale, afin de mettre en place un transport public pour les praticiens, un système de soins de santé primaires optimal, une réglementation des tâches médicales dans les hôpitaux, et une formation à la supervision clinique.
Tous les mois, les enseignants du CFRPS sélectionnent des articles récemment publiés dans le domaine de l'éducation des sciences de la santé et vous en offrent un résumé.
Le professionnalisme : le mauvais outil pour résoudre un vrai problème ?
Professionalism: The wrong tool to solve the right problem?
Cet article aurait pu s'intituler "Questionnements sur le rôle du professionnalisme à l’ère de Black Lives Matter". Vous avez peut-être déjà envie de me répondre : « La situation, en France, n’est pas la même qu’aux États-Unis » et de passer votre chemin. Je vous propose tout de même d’accepter l’invitation des auteurs à nous interroger à ce sujet.
De quoi parle-t-on ? Avant tout de racisme et de discrimination raciale ou ethnique : difficile de ne pas considérer cela comme un problème. Ensuite, de la réponse qui est souvent évoquée par les milieux de la santé : il s’agit de problèmes isolés, relevant d’individus, en lien avec des défauts de professionnalisme. Rappelons ici que le professionnalisme est associé à de nombreuses acceptions dans la littérature, renvoyant notamment à des notions de valeurs, de traits de caractère, de comportements, de moralité, d’humanisme, de rôle, d’identité, voire de contrat social.
Les auteurs nous invitent à nous questionner autour de trois points principaux. La première question qu’ils posent, et qui fait office d’entrée en matière de cette analyse, est la suivante : actes racistes isolés ou racisme institutionnel ? Deuxième interrogation : malgré une bonne intention de départ, la promotion du seul modèle actuel du professionnalisme (et donc les valeurs, comportements, rôles, identités, etc.) ne risque-t-elle pas de conduire à un maintien des standards dominants de comportements et tenues ? Enfin, les auteurs soulignent le risque de réduire le professionnalisme à une checklist de comportements à adopter ou non en fonction du public cible, dénommé par les auteurs « professionnalisme performatif ».
La première question est primordiale. Même si la construction sociohistorique des États-Unis et celle de la France diffèrent, nous ne perdons rien à nous la poser. Si, effectivement, il s’agit d’actes isolés, ils doivent être pris en compte, analysés et remédiés. En revanche, s’il existe des éléments d’ordre institutionnel, la seule réponse aux incidents liés à des individus ne suffit pas, et le seul professionnalisme ne répondra pas suffisamment au problème.
Ainsi, les auteurs nous invitent à nous pencher sur ce qui constitue les normes professionnelles, par exemple, vestimentaires. Un exemple : la coupe "Afro" est-elle professionnelle ou pas ? Si elle est considérée comme insuffisamment professionnelle, n’est-ce pas le système de normes dans lequel s’inscrit notre conception du professionnalisme qu’il faut questionner ?
Enfin, comme toujours lorsqu’il s’agit de compétences et de professionnalisme, les auteurs nous mettent en garde contre le risque de simplification en comportements observables, singés par les étudiants pour avoir de bons résultats, au détriment d’une réelle appropriation de valeurs ancrées sur la justice sociale et raciale. Outre la cohérence avec l’impératif de fournir des soins de qualité à tous les patients, un réel questionnement sur son système de valeurs, notamment professionnelles, permet de mieux comprendre et déconstruire les mécanismes de domination en place dans la société et dans son milieu professionnel.
Globalement, au moment où un certain nombre de concitoyens (et donc de patients) posent la question du racisme dans la société dans laquelle nous (individus et institutions) évoluons, plutôt que de nous offusquer d’emblée, il ne peut qu’être constructif de prendre le temps d’entreprendre une démarche réflexive à ce sujet. Cela pour mieux questionner nos représentations, nos préjugés éventuels et les systèmes sociaux de domination dans lesquels nous évoluons, afin de mieux y faire face et de répondre à l’exigence de responsabilité sociale de nos professions et formations.
L'équité du jugement humain dans l'évaluation : une revue herméneutique de la littérature et un cadre conceptuel
Fairness in human judgement in assessment: a hermeneutic literature review and conceptual framework
Valentine et al.(2020), Advances in Health Sciences Education
Le « manque d’objectivité » du jugement humain est fréquemment critiqué lors des évaluations en milieu professionnel (les évaluations des étudiants en stage). Alors que de nombreuses propositions ont été testées, dans la littérature, pour réduire cette « subjectivité », de plus en plus de voix s’élèvent en éducation médicale pour suggérer une autre approche.
Dans le cadre d'une revue de la littérature sur le sujet, Valentine et ses collaborateurs nous invitent à considérer la question de la subjectivité sous l’angle de de la « justesse » dans le jugement humain. Cette question complexe du jugement « juste » est discutée sous les angles de différentes valeurs, qui interagissent entre elles : la crédibilité, la défendabilité, la transparence et l’adéquation avec l’objectif. La crédibilité renvoie par exemple à la fois à la crédibilité du jugement porté sur un étudiant par un évaluateur, et à la crédibilité de l'évaluateur lui-même. Cette dernière semble dans la littérature être notamment liée à son engagement dans la formation. Ainsi, un superviseur qui manifeste peu d'intérêt pour l'accompagnement des étudiants en stage sera jugé comme peu crédible - et, in fine, peu juste - dans son jugement. Les auteurs notent également que ce jugement « juste » est fonction des caractéristiques personnelles de l’évaluateur, dont son expertise. Enfin, les auteurs ont identifié des facteurs systémiques - dont la multiplicité des évaluations et des évaluateurs - comme des composantes importantes de la « justesse » du jugement.
Ces réflexions et le modèle théorique proposés par les auteurs nous invitent à considérer sous un angle novateur la question de la subjectivité dans l’évaluation. Appliqués au contexte français, des conseils pratiques peuvent en être formulés. Par exemple, dans le cadre de la réforme du 2e cycle des études médicales (R2C), les évaluateurs pourraient rédiger des commentaires narratifs relatifs aux compétences des étudiants. En pratique, il s'agit d'écrire une description détaillée de la performance de l’étudiant dans une situation de soins, en décrivant le contexte de cette situation, ce qui a été bien fait, ce qui aurait dû être fait autrement, etc. L’utilisation de ces commentaires narratifs augmentera la crédibilité des jugements portés sur l’étudiant, leur défendabilité, leur transparence et l’adéquation de ceux-ci avec l’objectif de certification des compétences.
Prochaine pause pédagogique
Les pauses pédagogiques sont suspendues jusqu'à la fin du confinement
Archives et prochaines dates
Retrouvez ici les thèmes des précédentes pauses pédagogiques ainsi que les publications associées (vidéo, copie du diaporama, synthèse des points clés et articles).
Voici les dates des prochaines pauses pédagogiques :
17 novembre (reportée en 2021)
15 décembre (reportée en 2021)
12 janvier 2021
9 février
16 mars
31 mai
15 juin
Babillard
Publication
Le numéro 21.2 de la revue Pédagogie Médicale est accessible ici
Bulletin
Le troisième bulletin d'information du Réseau international francophone pour la responsabilité sociale en santé (RIFRESS) est disponible ici
On en parle
Le français, une langue en voie de disparition dans la littérature médicale scientifique.L'article, publié dans Les Echos, est accessible ici
"Je ne suis pas préparé psychologiquement à affronter tout ça" : le blues des étudiants isolés par la crise du Covid-19 et les cours à distance.L'article et le podcast, publiés sur le site FranceTVinfo, sont accessibles ici
Revues prédatrices : un poster et un dépliant en français, à diffuser dans votre environnement.L'article et le poster, publiés sur le site Rédaction médicale et scientifique, sont accessibles ici
L’université sous la menace du numérique.L'article, publié dans Le Monde, est accessible ici
En Alsace, la crise du coronavirus suscite des vocations chez les étudiants infirmiers.L'article, publié sur le site FranceTVinfo, est accessible ici
La méthode scientifique n’est pas soluble dans l’urgence.La tribune, publiée dans Libération, est accessible ici
Covid-19 : "Au détour d'une phrase, le président a envoyé tous les étudiants chez eux. C'est une génération sacrifiée".L'article, publié sur le site FranceTVinfo, est accessible ici
Universités face au Covid-19?: "Le lien profs-étudiants est rompu".L'article, publié dans Marianne, est accessible ici