Analyse d’ouvrages
Le cactus à roulettes : comment innover par l'intelligence co-élaborative ? Jean-Charles Cailliez (2021), Ellipses
par Isabelle SEBRI
Il suffit quelquefois de faire preuve d’un peu de créativité pour « innover » en pédagogie. C’est ce que propose l’ouvrage de Cailliez et ses collaborateurs, en nous aidant à répondre à la question suivante : comment peut-on insuffler une dynamique d’innovation dans son écosystème et quelles sont les conditions favorables à l’émergence d’une communauté apprenante ?
En 336 pages alternant sketchnotes et textes courts, je me suis retrouvée transportée dans la découverte et le séquençage d’ateliers de « design-thinking » (ndlr : conception créative). Les auteurs s’appuient sur les concepts du socioconstructivisme, d’innovation en pédagogie, de collaboration, de stigmergie et d’intelligence co-élaborative pour nous proposer ce qui est, à mon sens, plus qu’une simple boîte à outils ou une recette de cuisine. Contraintes et obstacles ne sont pas dissuasifs ou rédhibitoires, mais constituent des stimulus créatifs qui commencent à se manifester dès qu’un défi apparemment insurmontable se présente. J’ai adoré cet ouvrage !
Ce que j’en pense : mon livre de chevet depuis quelques mois. Il m’astreint à reconsidérer mes pratiques d’enseignement en me poussant hors de ma zone de confort.
Les phrases qui m’ont marquée : « Cette communauté doit être apprenante […] c’est-à-dire prendre la forme d’un environnement où la formation de tous ses membres, leur apprentissage individuel et la mobilisation de leur intelligence collective sont facilités, un environnement capable de capitaliser les savoirs individuels ainsi construits au bénéfice du collectif » (p. 281).
Une façon efficace de lutter contre le « yes, but… » est donc de le transformer en « yes, and… ». Le « oui, et… » consiste à dire que ce n’est pas forcément possible, mais qu’il serait quand même intéressant d’essayer une autre approche. Elle nécessite de changer de posture en oubliant un peu ses certitudes et attitudes d’expert et de sachant et en adoptant même temporairement celles de celui qui a envie d’expérimenter, d’explorer le champ des possibles (p. 63).
Ce que j’ai appris : ce qu’était la sérendipité, « l’heureux hasard ».
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Une société d'accompagnement - Guides, mentors, conseillers, coaches : comment en est-on arrivé là ? Maeva Paul (2021), Raisons et Passions
par Isabelle SEBRI
« Qu’est-ce que je fais quand j’accompagne (et qu’est-ce que je dis que je fais quand j’accompagne) ? » ; « Qui suis-je quand j’accompagne ? » Le dernier ouvrage de Maela PAUL est un véritable retour aux origines. L'auteure se place comme une véritable archéologue et anthropologue. Elle questionne, sur la base de sept récits, les fondements du concept d’accompagnement. Dans sa quête, elle convoque philosophes et psychosociologues, qui nous apportent un éclairage historique et réflexif du concept à travers les mouvements de pensée de l’Histoire.
Dans quelle mesure l’accompagnement mis en place par les formateurs est-il finalement une injonction (paradoxale) à « être et devenir un professionnel praticien autonome responsable et réflexif » ? Comment les stratégies mises en œuvre dans un dispositif d’accompagnement exhortent-elles l’accompagné à l’autonomie ? Lui permettent-elles d’être l’auteur de son projet de vie ou professionnel ? De la Renaissance au siècle des Lumières, de l’époque moderne à la période contemporaine, entre obligation institutionnelle et sommation à la professionnalisation, le concept d’accompagnement est décrypté et réinterrogé dans ses attributs.
Ce que j’en pense
L’intérêt de l’ouvrage réside dans sa structuration. Pendant toute ma lecture, j’ai posé, repris et reposé le livre. La comparaison et la réflexion quant au dispositif d’accompagnement que j’ai construit sont inévitables. Les injonctions que l’auteure sème tout au long de son œuvre nous confrontent à des vérités qui font alors sens. J’ai redécouvert le concept comme une démarche socioconstructiviste d’un parcours de formation qui relève du rôle de l’accompagné.
La phrase qui m’a marquée (p. 98) : « Appliquée à des individus dépourvus des supports sociaux nécessaires pour mettre en œuvre cette exhortation, la norme d’autonomie engendre le développement d’une injonction paradoxale qui a pour effet de renforcer la dépendance des personnes envers les dispositifs. »